La plupart des travailleurs coloniaux recrutés pendant la Première Guerre mondiale sont rapatriés dans les mois qui suivent l’armistice. Néanmoins, cette expérience a permis aux émigrés algériens de découvrir la métropole et de tisser des premiers contacts avec la société française. Au cours des années 1920, le boom de la reconstruction entraîne une pénurie de main-d’oeuvre. L’immigration en provenance d’Algérie reprend alors en complément de l’immigration étrangère. En 1930, plus de 100 000 Algériens travaillent en France, auxquels il faut ajouter 15 000 Marocains, venus pour la plupart du territoire d’Agadir.
Néanmoins, les colons hostiles au développement de ces migrations vont réussir à les entraver en s’appuyant sur la rubrique « fait divers » de la grande presse. Le stéréotype de l’Arabe criminel débute dans l’hexagone en 1923. En novembre de cette année-là, l’assassinat d’une jeune femme par un émigré algérien est le prétexte qui permet aux journalistes de renouveler leur stock de stéréotypes en mettant à la une de l’actualité, le « problème des sidis ». A la suite de cette campagne de presse, le Conseil municipal de Paris crée le service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains, placé sous la responsabilité du cabinet du préfet de Police. Plusieurs grandes villes de France vont mettre en place des structures du même genre au cours des années suivantes.
L’immigration algérienne, bien qu’elle soit encore marginale sur le plan statistique, constitue, dès cette époque, un enjeu de luttes. En raison de leurs préjugés raciaux, la majorité des chefs d’entreprises et des fonctionnaires considère ces travailleurs comme une main-d’oeuvre d’appoint, recrutée pour une durée temporaire ; ce qui correspond d’ailleurs aux souhaits de la plupart de ces immigrants. 75 % d’entre eux ne restent pas plus de 18 mois dans l’hexagone. Cette instabilité explique que les Algériens aient été les premiers travailleurs à faire les frais de la crise économique, à partir de 1931….
…Cette nouvelle immigration algérienne, formée de travailleurs isolés et instables, devient l’une des cibles privilégiées des campagnes de presse concernant l’insécurité. Grâce au rôle qu’ils ont joué dans la libération de la France, la République a accordé la liberté de circulation aux Algériens. Les brigades nord-africaines ont été supprimées en 1945, mais les agents de ces services sont réintégrés ensuite dans les commissariats de police des quartiers où ces émigrants sont nombreux. C’est dans ce cadre que perdurent les pratiques d’encadrement et de répression de type colonial. Une violente campagne contre la délinquance algérienne est orchestrée en 1947, réclamant le rétablissement des brigades nord-africaines. Les rafles préventives contre le « vagabondage » se multiplient. Les journaux citent des statistiques affirmant que 36 % des auteurs d’agression sur la voie publique sont nord-africains. Même un journal réputé sérieux, comme Le Monde titre : « la criminalité nord africaine soulève un problème national » (16 septembre 1949). Point de vue que L’Auroreénonce en termes moins choisis : « Dans certains quartiers de Paris, l’Arabe est roi de la nuit » (5 novembre 1948). Les rixes entre Algériens et Français sont fréquentes. Le 6 août 1955, un locataire algérien est abattu par un hôtelier européen. Le 10 mai 1956, une véritable bataille rangée oppose des travailleurs italiens et algériens….
Historien de l’Immigration
Directeur d’Études àl’EHESS